Tant pis, je signe quand même!
Aujourd’hui je te propose un article un peu spécial… Un peu plus de lecture que d’habitude parceque je n’ai rien d’extraordinaire à montrer niveau visites. Je vais donc en profiter pour te narrer quelques mésaventures dont je fus le héros depuis que je suis au Japon. Exceptionnellement, les quelques images de cet article n’auront pas de rapport avec le sujet, mais puisque j’ai quelques clichés « inclassables », ils serviront de transitions entre mes histoires. Il est important, d’abord, d’appréhender un peu la notion de compétence interculturelle. Je ne vais pas t’expliquer en détail ce que c’est puisqu’il s’agit du sujet de mon mémoire de DEF. Sache néanmoins que, grossièrement, c’est la capacité à comprendre la culture de l’autre, à l’adapter à la sienne, de façon à éviter les tensions. En gros, quand on débarque de l’autre côté du miroir, dans le reflet de la flaque, et malgrès tout l’amour que l’on a déjà pour un pays, tout ce qu’on sait déjà etc… il y a des moments où ça coince. Comme dit Morphéus : « il y a une différence entre connaitre le chemin et arpenter le chemin »… en voici quelques preuves amusantes…
Quand on est de l’autre côté, on se dit toujours des trucs comme « je vais faire comme ça, c’est le plus logique… » sauf que la logique, celle de notre culture, de notre éducation, de notre savoir, elle est complètement arbitraire, et on s’en rend vite compte sur des petits détails… Replaçons aussi mes histoires dans leur contexte. Mon niveau de Japonais est plus que moyen. J’ai un peu de vocablaire, je peux me débrouiller en général, mais dès qu’on me parle d’un truc inattendu, je suis paumé et la panique n’arrange rien. Et puis, soyons honnêtes : tout est tellement bizarre ici…
Par exemple il y a 3 jours. Je vais faire des courses au supermarché. Sakura travaille et sera contente que je remplisse le frigo. J’achète de la viande, nos boissons favorites, des mets japonais divers, des glaces en pots pour le dessert, et je file à la caisse voir la petite mamie. Déjà je connais bien le système. Si tu ne veux pas de sac plastique, tu glisses une petite plaquette dans ton panier (ce serait trop simple de dire à la caissière « pas besoin de sac merci »), j’avais même déjà repéré que la caissière demande si on a la carte du magasin. Super fier, je m’approche, elle me sort la phrase magique avec le mot « cado » dedans, je ne tombe pas dans le piège de croire que j’ai gagné quelque chose, je sais déjà que cado veut dire carte, je réponds que je ne l’ai pas et elle commence à ranger mes affaires. Elle a presque fini, elle s’attaque aux deux petits pots de glaces, quand tout à coup, c’est le drame. Mamie prononce une incantation dans ma direction. Un truc nouveau! Merde! Est-ce bien à moi qu’elle s’adresse? Je la fixe pendant au moins deux jours et articule avec un air d’ahuri sur la tronche : « hé??? »…. Elle me répète sa question, en me montrant un des pots de glace, je ne la comprends pas mieux… elle insiste et me voit contraint de lui dire la phrase fatidique « désolé je ne comprends pas » et je détourne le regard, une grosse larme doit certainement couler sur ma joue. Plus tard à la maison, je remarque qu’elle a glissé dans mon sac des petites cuillères en plastique… Je savais que ça arrivait au conbini « avez-vous besoin de baguettes pour votre bento? » mais dans un supermarché ou tu viens le soir, visiblement pour rentrer chez toi… Y a-t-il beaucoup de japonais qui n’ont pas de petites cuillères à la maison??? Et puis, la mamie, elle pouvait pas me les montrer ses petites cuillères au lieu de me répéter la même phrase en boucle?
Compétence interculturelle : 0!
Il y a un endroit propice à ce genre de mésaventures : le métro. En général, tout est bien indiqué, les lignes et combien ça coûte pour chaque arrêt. Mais à Osaka, à la station d’Awaji, où j’habite, il y un problème. Une des lignes est bien indiquée. Mais la partie métro (oui ce sont les mêmes lignes, mais différentes compagnies les utilisent…c’est d’un simple) est assez mal foutue. Le prix n’est pas affiché pour chaque station, mais pour des zones. Ok pourquoi pas. Mais les noms de stations, va savoir pourquoi juste ici, ne sont pas écrits en romaji…et moi les Kanji des stations, je maîtrise pas. Me voilà parti pour aller chez une amie. Je décide d’assurer, histoire d’éviter les situations de tensions en faisant appel à ma compétence interculturelle…
Au Japon une chose est très bien faite dans les transports, ce sont les « fare adjustment ». Avant de sortir de la gare, si ton ticket n’a pas la bonne valeur, tu passes à une machine et tu règles la différence. Comme je ne sais pas combien coute mon trajet du jour, j’ai prit le tarif minimum et je compte bien passer au fare adjustment. Me voilà devant la dite machine, il y a beaucoup de monde qui attend. J’attends aussi, j’ai chaud, très chaud. Mon tour arrive, j’insère mon ticket, et là, c’est le drame. La phrase habituelle a changé! En plus la fin de phrase est une négation! Merde! Qu’est-ce que ça veut dire?? Bon, pas de panique, je suppose que je n’ai pas besoin d’ajuster…après tout je n’ai fait que 3 arrêts, c’est peut-être le tarif minimum? Ok! Je passe donc aux portiques, juste devant le nez du gardien. J’insère mon ticket et évidemment, le portique se ferme, un gros signal « sens interdit » s’allume, et une petite sonnerie indique à toute la gare qu’un fraudeur est parmis eux… Si jusque là je transpirais de chaleur, ce sont maintenant des sueurs froides qui parcourent mon dos… Le jeune gardien me sourit, je lui donne mon ticket et il me dit que je dois ajuster de 30 yens. On aurait presque eu droit à une happy-end à ce moment là… C’était sans compter sur le facteur « honte » qui, tout à coup, m’a fait oublier les chiffres. Je cherche dans ma monnaie, mais je n’ai pas 3 pièces de 100 yens. Je lui donne donc 500 yens. Il va me rendre la monnaie et je pourrai enfin partir en courant. Sauf qu’il m’a demandé 30 yens et pas 300, et que lui, il sait compter. Comme il a vu dans ma main que j’avais les 30 yens, il me répète que je lui dois 30 yens. Je me dis « bah oui pépère, mais j’ai pas 300 yens! Fais moi la monnaie et qu’on n’en parle plus! », comme il me répète une fois encore « 30 yens blaireau!! TREN-TEUX YE-NEUX!! », je finis par tilter, et peux lui sortir la phrase fatidique : « excusez moi je n’avais pas compris!! » Je lui file son fric, il m’ouvre le portique, je ne me retourne pas de peur de trouver une foule de Japonais en train de rire… Je ne sais toujours pas pourquoi le fare afjustment n’a pas marché…
Compétence interculturelle : 0!
Des exemples comme ça, il y en a à la pelle bien entendu. Mais je te reserve mon préféré pour la fin. Celui là va te montrer à quel point, même quand tu te crois à l’abris de la boulette, cela peut se retourner contre toi en une seconde.
Sakura travaille dans un café-restaurant. Un jour, je décide d’aller sur son lieu de travail pour voir comment ça se passe etc. Je minstalle et bien sûr, c’est elle qui vient s’occuper de moi. Nickel, au moins une serveuse qui parle français et qui me connais mieux que personne. Je lui commande des sandwiches et un café. Elle me demande, pour la forme, si je prends du sucre, puisqu’elle sait bien que oui. Mais au Japon on demande, parceque le café est servi « à défaut » sans sucre. Elle revient quelques instants plus tard avec mes sandwiches, mon café, une petite sucrière pleine de sucre en poudre, et retourne me chercher de l’eau. Pendant ce temps, je sucre allègrement mon café. Lorsqu’elle réapparait, elle s’écrie : « Mais tu fais quoi???? », interloqué, je lui réponds « bein je sucre mon café pardi!! » et elle de répondre « avec du SEL????? »
……….
Et oui, pourtant je le savais, au Japon si tu commandes sucré, on te le sucre. Ca ne leur effleure même pas l’esprit que je voudrais sucrer à mon goût. Non, dans la logique japonaise, c’est l’hôte qui doit savoir servir au goût de son invité. Les Japonais trouvent d’ailleurs insupportable de devoir choisir systématiquement chez un européen : apéro, pas apéro? Whiskey ou Porto? si Whiskey, scotch ou bourbon? Glace ou sans glace? le café : sucre, lait? sucre? combien? etc etc etc… J’avais beau le savoir, au moment de commander son café, notre logique occidentale prends le dessus, et donc, on sale son café… Le plus fort c’est qu’après avoir bien fait rire ma chérie, elle s’est remise au travail sans me proposer de changer mon café. Et moi, soucieux de ne pas lui créer de problèmes au boulot… j’ai bu mon café salé, et j’ai pleuré en silence.
Compétence interculturelle : 0!
Finissons sur une note positive. Je te rappelle que je suis en installation progressive au Japon, parceque, justement, je veux connaitre ma capacité à gérer ce genre de petites mésaventures quotidiennes. Avec trois exemples comme ça, on ne se rend peut-être pas bien compte, mais si ça passe quand on est touriste, c’est plus embêtant quand le but et de vivre ici. Il n’empêche que ça y est, ma décision est prise et que cette fois, je n’ai plus aucun doute sur mon envie, ma capacité et même mon besoin de vivre au Japon. J’ai donc franchi une étape symbolique mais importante : j’ai fait mon inkan!
C‘est quoi? C’est ce que tu vois sur la photo ci-avant. (oui ça y est mon texte va à nouveau avoir un lien avec mes images). Le sceau, le tampon obligatoire pour vivre ici. Au Japon, on ne signe pas, ou peu. Pour les documents officiels, les contrats etc, on doit utiliser son inkan, et même si, pour l’instant je suis encore en visa touristique, j’en aurai besoin dès mon prochain retour au Japon. Faire un inkan basique, ça prend 30 minutes et ça coûte moins de 1000 yens. On peut, si on le désire, choisir une matière (bois rare, verre etc), une taille, un style calligraphique… Mais avant tout, il faut choisir ce qu’on va graver dessus. La plupart des gaijins utilisent leur nom en katakana. Beaucoup de mes amis Japonais trouvent ça super classe d’avoir son nom en katakana, qu’ils concidèrent souvent comme le système d’écriture le plus Japonais, et le pus fort (un peu comme nos majuscules). Mais la plupart des gaijins trouvent super classe d’avoir un inkan en kanji, comme les Japonais. Hors, on peut bien choisir ce qu’on veut, après tout, en France non plus, notre signature n’a pas à être lisible. En ce qui me concerne, j’ai donc opté pour un kanji qui reprend le sens de mon nom. Mon nom de famille vient du mot « casque », et, en français, du mot « heaume ». J’ai donc choisi le kanji « kabuto » (兜) qui désigne le casque de l’armure du samouraï.
En conclusion, malgré les problèmes, malgré les « tensions » quotidiennes (mais qui tendent à disparaitre), je suis maintenant certain de vouloir installer mon empire ici. Et même si la route est encore longue, je suis déjà prêt à signer!
Je me répètes .. ouahou !!!
Merci pour cet article … dans les plupart des blogs, on lit que tout va bien, une intégration sans difficultés mais là tu nous as narré des mésaventures des plus basiques je dirais et qui arriveraient à n’importe quel français moyen !!
N’ayant aucune connaissance de la langue (à part quelques mots), ce serait puissance 10 pour moi ce genre d’aventure ^_____^
Allez hop, un blog de plus à lire 😉
Merci
02/10/2010 à 10:42
héhé merci de ta visite ici Kyn et bienvenue!
Effectivement, même si cela reste très vivable, il ne faut pas sous-estimer les prolèmes liés aux petites choses du quotidien! C’est par elles que l’on se sent intégré, ou plus simplement que l’on se sent bien dans un environnement étranger. Mais au delà des petits tracas que ces tout petits soucis génèrent, c’est surtout la satisfaction d’en tirer beaucoup d’enseignements qui est à retenir, bien entendu!
02/10/2010 à 10:52
Alors pour le metro, a la fin moi je ne cherchais même plus a comprendre pourquoi elles voulaient pas faire l’ajustement leurs machines de m…
Si au début je piquais un phare comme toi, a la fin je sortais une phrase au préposé de la sortie dans toutes les langues sauf en japonais…
Honteux de ne pas pouvoir ou de ne pas avoir le courage de répondre dans une des langues, le préposé ouvrait la porte avec un air fautif!
Bon ok pas cool mais bon a lui le phare!
Donc pour les Japonais:
Compétence interculturelle : 0!
08/03/2011 à 23:00
hihihi excellent!! Je vais ré-utiliser cette technique peut-être!
Et effectivement, compétence interculturelle du Japonais lambda : 0! D’où la nécessité absolue de développer la nôtre! 🙂
08/03/2011 à 23:26
je ne me lasse pas de ta plume et Dieu (ou qui que ce soit) m’est témoin, je suis un fasciste de la langue ( en tout bien tout honneur )!
19/07/2011 à 00:49
Merci beaucoup! J’ai toujours l’impression de faire des phrases qui n’en finissent pas, à grands coups de parenthèses etc… surtout sur des articles comme celui là où je raconte des anecdotes. Ravi de constater que ça plait quand même, d’autant plus que je connais ton attachement à la langue. Je te conseille d’ailleurs d’aller faire un tour, si tu ne connais pas, chez Olrik, sur Bulles de Japon. C’est un grand malade à la verve extraordinaire. Tu vas adorer j’en suis sûr!
19/07/2011 à 09:44
Lool le coup du métro , comment tu as du être trop mal.
29/03/2012 à 23:13